CADRE THÉORIQUE

    Dès sa naissance, l’être humain se développe grâce aux interactions continues et réciproques avec l’environnement dans lequel il évolue, et ce, tout au long de sa vie. En d’autres termes, nous recevons en continu un afflux d’informations provenant du milieu extérieur auquel nous devons apporter une réponse comportementale.
Pour ce faire, nous disposons de “feedbacks”, aussi appelés “retours physiologiques” qui consistent en l'évaluation de nos propres composantes physiologiques (rythme cardiaque, température corporelle, etc.) et, nous permettant éventuellement, de les modifier afin d’adopter le comportement le plus adapté à la situation rencontrée. Nous pouvons, par exemple, sentir notre rythme cardiaque augmenter lors d’un stress et tenter de se calmer pour le faire diminuer.

Nous possédons donc la capacité de nous autoréguler par le biais d'un recours préalable à nos cognitions pour “faire le point”. Dès le plus jeune âge chez le nourrisson, ces feedbacks se révèlent primordiaux car ils permettent, entre autres, le contrôle progressif du corps et les premières cognitions (avec la maturation du système nerveux central) dans le cadre du développement psychomoteur. En effet, le nourrisson possède un rôle d’acteur dans son propre apprentissage. Il fait des expériences sur son milieu grâce auxquelles il découvre notamment les propriétés des objets, ou encore la marche, à travers l’acquisition progressive de postures et mouvements au fil de ses expériences. L’ensemble de ces interactions stimulantes avec son environnement lui confèrent des feedbacks des résultats de ses actions sur les objets et sur lui-même, et donc plus généralement lui permettent d’apprendre.

De manière générale et indépendamment de l’âge, ces retours physiologiques constituent la base de nos apprentissages; cela justifie d'ailleurs l’intérêt qui leur est accordé dans le domaine de la recherche. Une manière d’étudier plus spécifiquement les apprentissages moteurs serait de contrôler les processus cognitifs mis en œuvre lors de ces apprentissages par l’établissement de marqueurs spécifiques. Cependant, nous ne recevons pas naturellement de feedback neurophysiologique, aussi appelé Neurofeedback, lié à notre activité cérébrale. En ce sens, des marqueurs physiologiques tels que le rythme cardiaque ou la sudation sont généralement utilisés comme marqueurs indirects. Or, ces derniers sont extrêmement sensibles à notre environnement et à nos conditions physiologiques (température, humidité, stress, fatigue), ainsi il est difficile de les mettre en relation avec les processus cérébraux impliqués. D'autant plus que le lien causal entre processus cérébraux et marqueurs physiologiques est difficile à établir : “Sommes-nous stressés car notre cœur bat plus vite ou inversement, notre cœur bat-il plus vite car nous sommes stressés ?” (Cannon, 1928).

Afin de mieux appréhender ce Neurofeedback, une des approches possibles consiste à mesurer l’activité cérébrale, notamment à travers l’utilisation de l’électroencéphalographie. L’électroencéphalogramme est un examen permettant de mesurer et enregistrer l'activité électrique du cerveau au moyen d’électrodes fixées sur le scalp de l’individu et reliées à un ordinateur.




Figure 1 : Photographie d'un gardien de but professionnel lors de la réalisation d'une tâche cognitive

Cette activité électrique cérébrale résultant de la communication neuronale, génère des ondes cérébrales, ou rythmes cérébraux, ayant des fréquences et des amplitudes différentes selon l’état d’éveil du sujet. De manière générale, plus la fréquence des ondes augmente, plus leur amplitude diminue. Grâce à cette méthode, il est alors possible d’enregistrer et de visualiser ces différents rythmes cérébraux. Leurs caractéristiques et certains tracés électroencéphalographiques correspondants sont présentés dans les tableau et figure ci-dessous.


Tableau 1 : Tableau récapitulatif des différentes ondes cérébrales


Figure 2 : Exemple de tracés d'électroencéphalogramme des ondes Beta, Alpha, Thêta et Delta 



    Au vu de l’importance du feedback dans les apprentissages en général, le potentiel du Neurofeedback est de plus en plus exploré pour le mettre à profit dans le domaine clinique notamment afin de diminuer les symptômes de certaines pathologies mais également dans le domaine du sport en vue d'une amélioration des performances.
En effet, la performance émanant de facteurs tels que le mouvement, la posture, la calibration fine du geste, dépend au moins tout autant des compétences cognitives de l'athlète que de ses performances physiques. Pour résumer, le Neurofeedback est un type de biofeedback au cours duquel l'activité neuronale d’un individu est mesurée et lui est présentée en temps réel. Le but de cette méthode étant que l’individu réussisse à autoréguler son activité neuronale afin d'améliorer un comportement spécifique.

Aspirant aux meilleurs résultats et classements, les athlètes tendent continuellement à améliorer leurs performances sportives. Pour la plupart, ces progrès s’axent sur le plan physique à travers des aspects physiologiques et biomécaniques. De surcroit, grâce aux avancées dans les domaines de la recherche en Neurosciences et en Sciences du Sport, les athlètes peuvent désormais entraîner leurs capacités cognitives notamment grâce à l’utilisation du Neurofeedback qui leur permet d'apprendre à réguler des rythmes cérébraux spécifiques en condition de performance (Landers, D.M., et al., 1991).


    Dans cet article, les chercheurs se focalisent sur les gardiens de but de football et sur une capacité cognitive importante dans leur performance, l'attention visuelle périphérique. Cette capacité permet aux gardiens de but de concentrer leur attention sur une cible située dans leur champ visuel périphérique tout en dirigeant leur regard sur une autre cible sans effectuer de mouvement oculaire. Par exemple, cela leur permet de suivre le ballon du regard tout en repérant où les autres joueurs se placent sur le terrain.

L'objectif du travail de recherche présenté est d'étudier des marqueurs neurophysiologiques de l’attention visuelle périphérique en utilisant l’électroencéphalographie et de déterminer si le Neurofeedback pourrait être utilisé sur ces marqueursPour être compatible avec le Neurofeedback, le marqueur étudié doit répondre à trois critères :

1- Être spécifique à la capacité cognitive étudiée (ici l’attention visuelle périphérique) ;

2- Être détectable en temps réel ;

3- Être lié à la performance (ici le niveau d'expertise des gardiens de but).


Un marqueur neurophysiologique potentiel de l’attention visuelle périphérique utilisé lors de cette étude est l'index de latéralisation des ondes alpha au niveau des aires pariéto-occipitales (Sauseng, P. et al., 2005 ; Rihs, T. A., et al., 2009). En effet, lorsque l’attention est orientée vers la droite et le regard vers un point central, l'activité cérébrale occipitale de l’hémisphère droit est augmentée. Plus concrètement, l’index de latéralisation correspond à une soustraction entre l’activité alpha occipitale droite et l’activité alpha occipitale gauche pouvant être mesurée lors d’une tâche d’attention visuelle périphérique.

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